Il pleuvait ce soir là. Abondamment. Quelques puissants éclairs lumineux venaient déchirer le ciel gris, apportant alors un brin de lumière. La lumière, voilà une chose à laquelle il n’espérait même plus qu’elle puisse le sortir un jour de son malheur.
Il était seul, genoux à terre, tête baissée, les poings solidement fermés avaient violement percuté le parquet impeccablement ciré. Seul, perdu dans ses pensées, seul avec pour seul compagnie ses vieux démons et ses soucis. Pourtant elle continuait, elle, à le regarder. Ses yeux étaient fixés sur lui, impassibles, sans expression, sans le moindre remords, le moindre signe d’amour qu’il avait tant espéré.
« Comment a-t-on pu en arriver là ? Comment a-t-on pu oublier une histoire si merveilleuse ? »
Sa voix résonnait dans la pièce sombre, son ton amer était plein de tristesse, emplit d’une douleur et d’une souffrance incommensurable. Il lui parlait, à elle, elle qu’il aimait tant. Il avait tout sacrifié pour elle, prêt à tout pour regagner le cœur de celle qui lui avait fait voir le paradis.
« Je t’aime, je n’ai jamais cessé de t’aimer. Je voulais juste te le dire une dernière fois, lança-t-il avec force, avec tant de force que ses yeux pleurèrent, déversant les larmes d’un amour sans fin, d’un amour qui ne marchait malheureusement que dans un sens. Je … »
Il effleura son visage du bout des doigts, caressant ensuite ses cheveux noirs qu’il mit de côté, les faisant reposer sur l’oreille de la belle. Il espérer une réaction : un sourire, une larme. C’était comme prier et attendre que le Seigneur vienne vous aider. Attendre sans fin, si ce n’est sa mort.
Pourtant il avait été plus que patient, toujours présent pour elle, celle qui fut pour lui la clé pour l’emmener au paradis ! Oubliant à ses côtés tous ses soucis, tous ses tracas, vivant enfin une vie qui lui en avait tant fait baver. La juste récompense pour un homme si triste et si mal dans sa peau. Rien de plus beau quand l’amour marche le long d’un petit chemin en bordure d’un lac, avec pour musique de fond, le doux chant caractéristique d’une nature en plein éveil. Et si le paradis était fait de choses simples, de plaisirs purs et courts. Le sourire de la femme qu’on aime, respirer l’air frais si pur, se rouler dans une herbe verte encore humide de la rosée du matin, admirer sur une vaste étendue d’eau l’embrasement d’un lac au contact de l’arc solaire, déluge de couleurs, frémir à chaque bruit qui vous rend si heureux. Douce réalité, le temps passe si vite. Mais le bonheur n’est peut-être qu’éphémère ? Sans prévenir, du jour au lendemain, tout disparait. Le décor change et laisse sa place à l’obscurité. Une phrase suffit pour tout faire basculer.
Quelques mots prononcés de sa voix suave, quelques larmes versées de ses yeux attristés. Brisant son cœur contre le sol froid d’un carrelage blanc, comme la vague déferlante se brise sur les rochers.
On venait de briser le rêve d’un jeune enfant, on venait de retirer la liberté à une prisonnier, on venait de briser la vie d’un homme, le faisant replonger aux côtés de ces vieux démons. Le cercle vicieux, comme si la poisse et la malchance s’acharnaient contre lui, comme s’il ne pouvait pas échapper à la souffrance … peut-être était-ce en fait sa seule amie possible avec tante solitude.
Seulement, il s’était battu pour retrouver sa belle, pour regagner son cœur. D’ailleurs il n’avait rien fait justifiant cette rupture, elle s’était juste contenter de lui dire au revoir, sans raison, sans motif, lui expliquant juste, au détour de nombreuses larmes, que cela ne marcherait pas. Pleurant sans fin, une aventure si merveilleuse. Elle venait pourtant de mettre un terme a tout cela. Le laissant seul, planter au milieu de la place à essayer de comprendre pourquoi.
Il était resté proche d’elle, continuant à l’aider plus que n’importe qui, l’aidant sans compter en espérant qu’elle accepte de revenir vers lui … Souffrance, mal-être … il n’en supportait plus, explosant régulièrement de haine et de rage, de colère et de tristesse, s’emportant tel l’ouragan qui dévaste vos maisons et détruit votre avenir, il détruisait lentement, silencieusement le sien. Ne se rendant même plus compte, que l’amour qu’il éprouvait pour cette fille le rendait fou au point de voir tous ceux qu’il aimait, ses proches, s’éloigner de lui. Peur de subir sa terrible colère qui se préparait.
Un soir, un mauvais soir, rongé par la haine et la douleur. Il se rendit chez elle, la pluie tombante, déferlante, ne ralentit pas son pas cadencé. Il sonna à la porte, elle lui ouvrit, surprise de le voir arriver à une telle heure de la soirée. Sans un mot, leur regard se croisèrent, le sien emplit de joie mais saupoudré d’une légère once de tristesse qui noircissait son cœur, le sien emplit de haine mais saupoudré d’une once de rage. Pas d’échappatoire, pas de rémission. Elle le fit entrer sans un mot.
« Je t’aime … je veux que l’on recommence tout à zéro, que l’on reprenne tout … Je le voudrais sincèrement et »
Elle secoua la tête avant de la baisser, ses explications, il ne les entendait plus. Il vit sa vie défiler devant ses yeux, il pouvait entendre tous les mots qu’on lui avait dit, tous les maux qu’on lui avait fait. Il se poussa un hurlement provenant du fond du cœur et d’un geste et d’un seul il frappa celle qu’il aimait tant. Elle lui avait brisé le cœur, il venait de lui briser sa vie.
Il effleura son visage du bout des doigts, caressant ensuite ses cheveux noirs qu’il mit de côté, les faisant reposer sur l’oreille de la belle. Il espérer une réaction : un sourire, une larme. C’était comme prier et attendre que le Seigneur vienne vous aider. Attendre sans fin, si ce n’est sa mort.
« Je t’aime tant … je ne voulais pas en arriver là … mais je ne savais plus quoi faire, pourquoi l’amour ne marche t-il que dans un seul sens ? Pourquoi l’amour fait-il tant souffrir ? »
Il la serra dans ses bras, il serrait en fait le corps de la femme qu’il aimait, il serrait contre lui, le corps de la femme qu’il venait d’assassiner. Triste fin, triste réalité. Quand la police entra chez elle, elle découvrit le corps pourrissant d’une jeune femme dévêtue, probablement violée, et le corps d’un homme couché dans une baignoire, les avant-bras sanguinolents. Tous deux victimes d’un amour fou, d’un amour si beau, d’un amour ne marchant malheureusement que dans un seul sens, responsable de la mort d’une seule personne d’habitude, celui qui prenait le non. Ce soir là, l’amour venait de tuer deux êtres. Je l’aime à mourir avait-il prononcé dans un souffle. Prisonnier de ses sentiments, prisonniers d’un amour lancinant.